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tre, & pour s’y placer à son aise. Le corridor d’en-haut répondoit aux gradins de cette partie, lesquels étoient couverts, & par conséquent destinés pour les dames.

Si l’on considere la structure de ce théatre, celle de ses voûtes, l’intérieur de ses corridors construits de brique, interrompus par des corniches de marbre, ses vomitoires, ses escaliers distingués, par lesquels les sénateurs passoient pour aller d’un rang à l’autre ; si l’on observe en même tems les fragmens de colonnes, les statues de toute matiere & de toute grandeur, les marbres de toute espece, afriquains, grecs, égyptiens, les agathes fleuries qui tapissoient la scene & l’orchestre, on pensera sans doute que ce monument étoit d’une grande magnificence.

Mais être surpris d’entendre parler dans une ville peu distante de Rome, d’un édifice de cette beauté, c’est oublier combien l’exemple d’une capitale a d’influence sur les provinces voisines. Les citoyens d’Herculanum ne demandoient comme les Romains, que du pain & des spectacles, panem & circenses. Leur ville anciennement habitée par les Osques, Osci, auteurs des comédies obscenes, & occupée depuis par les Etrusques, inventeurs des représentations histrioniques, devoit se distinguer plus qu’une autre, par la splendeur de son théatre, & l’amour des pieces qu’on y jouoit. Aussi quelques auteurs ont écrit que ces peuples, quoique menacés par le Vésuve, d’une ruine prochaine, préfererent le plaisir du spectacle à leur propre salut, & se laisserent accueillir par la flamme & la grêle des cailloux calcinés.

Il ne faut pas croire toutefois de pareilles anecdotes ; l’embrasement du Vésuve, au rapport de Dion, fut précédé d’un tremblement de terre qui dura plusieurs jours, mais qui ne parut pas redoutable à des Campaniens, accoutumés à ces agitations de la nature : bien-tôt il s’accrut tellement, que tout sembloit prêt à être renversé. On vit sortir du volcan un nuage d’une grandeur immense, blanc, noir, ou tacheté, selon qu’il étoit plus ou moins épais, & qui élevoit avec lui la terre, la cendre, ou l’un & l’autre. A cette vûe, il n’est pas possible d’imaginer que ceux d’Herculanum ayent poussé l’amour des spectacles, jusqu’à attendre leur perte inévitable dans l’enceinte de leur théatre.

De plus, on n’a rencontré aucuns vestiges d’os dans la découverte de ce théatre ; le seul sujet de curiosité en ce genre, est un squelette d’homme presque tout entier, que l’on a trouve sur l’escalier d’une maison, tenant à la main une bourse pleine de petite monnoie. En vain l’on tenta de transporter cet ancien squelette ; à peine l’eut-on touché légerement, qu’il se convertit en poussiere.

Après avoir décrit le théatre, c’est le lieu d’observer qu’on trouva dans son enceinte quantité de statues qui, selon les apparences, servoient à son embellissement. Il y avoit deux de ces statues de bronze, représentant Auguste & Livie ; celle-là ayant la tête nue, & le corps revêtu de la toge ; celle-ci la tête voilée, & la coëffure à petits triangles, semblable à une couronne rayonnante. On découvrit à quelque distance deux autres statues de femme, & bien-tôt après, cinq autres statues de marbre, plus grandes que le naturel, dont quatre étoient couvertes de la toge. Il faut observer que toutes ces statues ont les bras & les mains d’un marbre différent de celui du reste du corps, mais d’un marbre plus beau.

Entre les statues de toute espece & de toute grandeur qu’on a déterrées dans cet endroit, on met au nombre des principales les suivantes ; celle de Néron, sous la figure de Jupiter tonnant ; & celle de

Germanicus, l’une & l’autre plus grandes que nature ; celle de Claude, & de deux femmes inconnues ; une statue de marbre, représentant Vespasien ; une Atalante, dans laquelle on remarque la maniere greque ; enfin, deux statues de la premiere beauté assises sur la chaise curule.

On découvrit aussi douze autres statues de suite, six représentant des hommes, & six des femmes : ce sont peut-être celles des dieux Consentes, qui, selon l’opinion de Panvinio, se plaçoient dans le lieu des spectacles.

Parmi les bustes de marbre déterrés dans le même endroit, on distingue un Jupiter Ammon, une Junon, une Pallas, une Cérès, un Neptune, un Janus à deux faces, une petite fille, & un jeune garçon avec la bulle d’or au col, qui lui descend sur la poitrine ; marque distinctive des enfans de qualité. Cette bulle n’est pas cependant ici en forme de cœur, selon la coutume usitée chez les Romains, elle est de figure ovale.

La découverte du théatre d’Herculanum & de ses superbes ornemens, fut suivie de celle des temples, ainsi qu’on l’espéroit ; car tous les savans conviennent que les Romains avoient coûtume d’en bâtir au voisinage de leurs théatres. Comme les sacrifices précédoient les jeux, & que les jeux avoient rapport aux représentations de la scene, on devoit rencontrer quelques temples voisins du théatre dans l’ancien pays des Osques, où les jeux de ce nom, & les pieces Atellanes avoient été inventées.

En effet, il est arrivé qu’à quelque distance du théatre d’Herculanum, on a découvert deux temples de différente grandeur ; l’un a 150 piés de longueur sur 60 de large ; l’autre a seulement 60 piés de long, sur 42 de large ; & ce dernier temple n’étoit peut-être qu’une espece de chapelle, nommée par les latins ædicula. Cependant l’intérieur avoit des colonnes, entre lesquelles étoient alternativement des peintures à fresque, & de grandes tables de marbre, enchâssées d’espace en espace dans toute la longueur des murs. Sur ces tables on lisoit les noms des magistrats qui ont présidé à la dédicace de chaque temple, ainsi que les noms de ceux qui ont contribué à les bâtir ou à les réparer.

Vis-à-vis de ces deux temples, on a trouvé un troisieme édifice, que plusieurs savans conjecturent être le forum civil d’Herculanum, ou bien un de ces temples que les anciens nommoient Peripteres.

Le terreplein de cet édifice forme un parallelogramme long d’environ 228 piés, & large de 132. Il est environné de colonnes qui soûtiennent les voûtes du portique, lequel fait le tour de la partie intérieure ; les colonnes qui forment les portiques du dedans, sont au nombre de 42 ; les statues de bronze & de marbre, placées entre les pilastres, ont été presque toutes trouvées fondues, détruites, brisées, mutilées. Le dedans de l’édifice étoit pavé de marbre, & ses murs peints à fresque : une partie de cette peinture a été taillée avec la muraille, & transportée dans le cabinet du roi des deux Siciles.

Il ne faut pas oublier de dire, qu’outre les statues de dieux, d’empereurs, & de héros, dont nous avons parlé jusqu’ici, on a déterré dans les édifices publics, quantité de statues d’idoles, & autres de divers personnages, principalement des familles Annia & Nonia. La plus belle de toutes est la statue équestre érigée à la mémoire de Nonnius Balbus, avec une inscription en son honneur ; dom Carlos a placé cette statue dans le vestibule de son palais. Elle est entourée d’une colonnade de marbre, & d’un grillage de fer : devant l’escalier du même palais, on voit la statue de Vitellius toute entiere, & de grandeur naturelle ; ajoûtons que dans la classe