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Romains : injecto ter pulvere, dit Horace. Ceux qui avoient négligé cet acte de religion, que la plupart des chrétiens suivent encore aujourd’hui, étoient obligés, pour expier leur crime, d’immoler tous les ans à Cérès une truie qu’on nommoit porca præcidanea. Voyez Sépulture. (D. J.)

Juge, (Jurisprud.) du latin judex, quasi jus dicens, signifie en général toute personne qui porte son jugement sur quelque chose.

On entend quelquefois par le terme de juge une puissance supérieure qui a le pouvoir de rendre à chacun ce qui lui appartient : on dit par exemple en ce sens, que Dieu est le souverain juge des vivans & des morts ; l’Eglise est juge des articles de la foi ; les souverains sont les premiers juges de leurs sujets, c’est-à-dire, qu’ils leur doivent la justice, mais ils se déchargent d’une partie de ce soin sur d’autres personnes.

On donne le titre de juges à ceux qui sont établis par les souverains pour rendre la justice, ou par ceux auxquels ils en ont concédé quelque portion pour la faire exercer, tels que les évêques & autres seigneurs ecclésiastiques & laïques, & les villes & communautés qui ont quelque part en l’administration de la justice.

Dans le premier âge du monde les peres faisoient chacun la fonction de juges dans leur famille ; lorsque l’on eut établi une puissance souveraine sur chaque nation, les rois & autres princes souverains furent chargés de rendre la justice, ils la rendent encore en personne dans leurs conseils & dans leurs parlemens ; mais ne pouvant expédier par eux-mêmes toutes les affaires, ils ont établi des juges, sur lesquels ils se sont déchargé d’une partie de ce soin.

Chez les Romains, & autrefois en France, ceux qui avoient le gouvernement militaire d’une province ou d’une ville, y remplissoient en même tems la fonction de juges avec quelques assesseurs dont ils prenoient conseil.

La fonction de juge dans le premier tribunal de la nation, a toujours été attachée aux premiers & aux grands de l’état.

En France, elle n’étoit autrefois remplie au parlement que par les barons ou grands du royaume, auxquels ont succédé les pairs, & par les prélats ; pour y être admis en qualité de sénateur, il falloit être chevalier.

Du tems de saint Louis, il falloit en général être noble ou du moins franc, c’est-à-dire, libre, pour faire la fonction de juges : aucun homme coutumier ou villain ne pouvoit rendre la justice ; car dans les lieux où elle se rendoit par pair, il falloit nécessairement être pair pour être du nombre des juges, & dans les lieux où elle se rendoit par des baillifs, ceux-ci ne devoient appeller pour juger avec eux que des gentilshommes ou des hommes francs, c’est-à-dire, des seigneurs de fief, & quelquefois des bourgeois.

Il y a différens ordres de juges qui sont élevés plus ou moins en dignité, selon le tribunal où ils exercent leur fonction ; mais le moindre juge est respectable dans ses fonctions, étant à cet égard dépositaire d’une partie de l’autorité du souverain.

L’insulte qui est faite au juge dans ses fonctions & dans l’auditoire même, est beaucoup plus grave que celle qui lui est faite ailleurs.

Le juge doit aussi, pour se faire connoître & se faire respecter, porter les marques de son état, tellement que si le juge n’étoit pas revêtu de l’habillement qu’il doit avoir, ce qu’il auroit fait seroit nul, comme étant réputé fait par quelqu’un sans caractere ; hors leurs fonctions & les cérémonies publiques, ils ne sont pas obligés de porter la robe & autres marques de leur état, mais ils ne doivent tou-

jours paroître en public qu’en habit décent, & tel

qu’il convient à la gravité de leur caractere.

Les magistrats romains étoient précédés d’un certain nombre de licteurs ; en France plusieurs juges ont obtenu la prérogative d’avoir des gardes ; le prevôt de Paris a douze huissiers armés de pertuisanes ; Louis XI. avoit aussi donné vingt-cinq gardes au prevôt de Bourges à cause qu’il y étoit né.

Tous les juges ont des huissiers & sergens qui les précédent lorsqu’ils entrent au tribunal ou qu’ils en sortent, pour leur faire faire place & leur faire porter honneur & respect ; ces huissiers battent ordinairement de la baguette devant le tribunal en corps, ou devant une députation, ou devant les premiers magistrats du tribunal, pour annoncer la présence de ces juges & en signe de leur autorité.

La fonction des juges est de rendre la justice à ceux qui sont soumis à leur jurisdiction. Ils rendent des ordonnances sur les requêtes qui leur sont présentées, & rendent des sentences, ou si ce sont des juges souverains, des arrêts sur les contestations instruites devant eux.

Ils font aussi des enquêtes, informations, procès-verbaux, descentes sur les lieux, & autres actes, lorsque le cas y échet.

Leurs jugemens & procès-verbaux sont rédigés & expédiés par leur greffier, & leurs commissions & mandemens sont exécutés par les huissiers ou sergens de leur tribunal, ou autres qui en sont requis.

Le pouvoir de chaque juge est limité à son territoire, ou à la matiere dont la connoissance lui a été attribuée ou aux personnes qui sont soumises à sa jurisdiction ; lorsqu’il excede les bornes de son pouvoir, il est à cet égard sans caractere.

Il doit rendre la justice dans l’auditoire ou autre lieu destiné à cet usage ; il peut seulement faire en son hôtel certains actes tels que les tuteles, curateles & référés.

L’écriture dit que xenia & dona excæcant oculos judicum ; c’est pourquoi les ordonnances ont toujours défendu aux juges de boire & manger avec les parties, & de recevoir d’elles aucun présent.

Les anciennes ordonnances défendoient même aux sénéchaux, baillifs & autres juges de recevoir pour eux ni pour leurs femmes & enfans aucun présent de leurs justiciables, à moins que ce ne fussent des choses à boire ou à manger que l’on pût consommer en un seul jour ; ils ne pouvoient pas vendre le surplus sans profusion, encore ne devoient-ils en recevoir que des personnes riches, & une fois ou deux l’année seulement ; s’ils recevoient du vin en présent, il falloit que ce fût en barils ou bouteilles ; telles étoient les dispositions de l’ordonnance de 1302, art. 40 & suiv.

Celle d’Orléans, art. 43, permettoit aux juges de recevoir de la venaison ou gibier pris dans les forêts & terres des princes & seigneurs qui le donneroient.

Mais l’ordonnance de Blois, art. 114, défend à tous juges de recevoir aucuns dons ni présens de ceux qui auront affaire à eux.

Le ministere des juges devoit donc être purement gratuit, comme il l’est encore en effet pour les affaires d’audience ; mais pour les affaires appointées l’usage ayant introduit que la partie qui avoit gagné son procès faisoit présent à ses juges de quelques boëtes de dragées & confitures seches que l’on appelloit alors épices ; ces épices furent dans la suite converties en argent. Voyez Épices.

Les juges sont aussi autorisés à se faire payer des vacations pour leurs procès-verbaux & pour les affaires qui s’examinent par des commissaires.

Les anciennes ordonnances défendent aux juges de recevoir aucunes sollicitations, dans la crainte