Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

je vois prendre aux autres ! je suis excellent pantomime, comme vous en allez juger.

(Puis il se mit à sourire, à contrefaire l’homme admirateur, l’homme suppliant, l’homme complaisant ; il a le pied droit en avant, le gauche en arrière, le dos courbé, la tête relevée, le regard comme attaché sur d’autres yeux, la bouche béante, les bras portés vers quelque objet ; il attend un ordre, il le reçoit ; il part comme un trait, il revient ; il est exécuté, il en rend compte, il est attentif à tout ; il ramasse ce qui tombe, il place un oreiller ou un tabouret sous les pieds ; il tient une soucoupe, il approche une chaise ; il ouvre une porte, il ferme une fenêtre, il tire des rideaux ; il observe le maître et la maîtresse ; il est immobile, les bras pendants, les jambes parallèles ; il écoute, il cherche à lire sur les visages, et il ajoute : ) Voilà ma pantomime, à peu près la même que celle des flatteurs, des courtisans, des valets et des gueux.

Les folies de cet homme, les contes de l’abbé Galiani, les extravagances de Rabelais, m’ont quelquefois fait rêver profondément. Ce sont trois magasins où je me suis pourvu de masques ridicules que je place sur les visages des plus graves