Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/153

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personnages, et je vois Pantalon dans un prélat, un satyre dans un président, un pourceau dans un cénobite, une autruche dans un ministre, une oie dans son premier commis. — Mais à votre compte, dis-je à mon homme, il y a bien des gueux dans ce monde-ci, et je ne connais personne qui ne sache quelques pas de votre danse.

LUI. — Vous avez raison. Il n’y a dans tout un royaume qu’un homme qui marche, c’est le souverain ; tout le reste prend des positions.

MOI. — Le souverain ? Encore y a-t-il quelque chose à dire. Et croyez-vous qu’il ne se trouve pas de temps en temps à côté de lui un petit pied, un petit chignon, un petit nez qui lui fasse faire un peu de pantomime ? Quiconque a besoin d’un autre est indigent, et prend une position. Le roi prend une position devant sa maîtresse, et devant Dieu il fait son pas de pantomime. Le ministre fait le pas de courtisan, de flatteur, de valet et de gueux devant son roi. La foule des ambitieux danse nos positions, en cent manières plus viles les unes que les autres, devant le ministre ; l’abbé de condition, en rabat et en manteau long, au moins une fois la semaine, devant