Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/561

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sensation ; car ce n’est point là une faculté qui lui soit propre à lui-même ; mais, d’un autre côté, elle ne peut se manifester dans l’âme que par l’intermédiaire du corps : l’âme, réfléchissant les manifestations accomplies dans la substance qui l’environne, réalise en elle-même, en vertu d’un pouvoir qui lui est propre, des affections sensibles, et les communique ensuite au corps en vertu des liens réciproques de sympathie qui l’unissent à lui. C’est pour cela aussi que la destruction d’une partie du corps n’entraîne pas pour l’âme, tant qu’elle réside dans le corps, la cessation de tout sentiment, pourvu que les sens conservent quelque énergie ; — quoique cependant la dissolution de l’enveloppe corporelle, ou même d’une de ses parties, puisse quelquefois amener la destruction de l’âme. — Le reste du corps, au contraire, même lorsqu’il persiste, ou en entier ou en partie, perd tout sentiment par la dispersion de cet agrégat d’atomes, quel qu’il soit, qui forme l’âme. Lorsque tout l’assemblage du corps se dissout, l’âme se dissipe ; elle cesse d’avoir les facultés qui lui étaient auparavant inhérentes, en particulier le pouvoir moteur ; de sorte que le sentiment périt également pour elle ; car il est impossible de concevoir qu’elle sente encore, du moment où elle n’est plus dans les mêmes conditions d’existence et ne possède plus les mêmes mouvements relativement au même système organique ; du moment enfin où elle ne réside plus dans l’enveloppe, dans le milieu où elle possède actuellement ces mouvements.

[Il exprime les mêmes idées dans d’autres ouvrages, et ajoute que l’âme est composée des atomes les plus légers et les plus ronds, atomes tout à fait différents de ceux du feu. Il distingue en elle la partie irrationnelle, répandue dans tout le corps, et la partie rationnelle, qui a pour siége la poitrine, comme le prouvent la crainte et la joie. Le sommeil, dit-il, se produit lorsque les parties de l’âme, disséminées dans tout l’ensemble du corps, se concentrent, ou bien lorsqu’elles se dispersent et s’échappent par les ouvertures du corps[1] ; car de tous les corps émanent des particules[2].]

  1. Je lis avec les manuscrits de la Bibliothèque royale : Συμπιπτόντων τοῖς πορίμοις. Schneider avait soupçonné cette correction.
  2. Il faut ajouter, pour compléter le sens : Et l’âme étant un corps (ce qu’il démontre immédiatement après), il doit en émaner des particules.