Page:Documents diplomatiques français (1871-1914), série 1, tome 3, 1931.djvu/208

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est venu spontanément me dire son regret de cette publication contraire de tous points aux vues et à la politique du Cabinet de Berlin ; n’ayant pu l’empêcher de paraître, il en fera démentir les assertions mensongères par les journaux officieux. Il a tenu à en connaître l’origine et a appris qu’il a été communiqué par un agent italien et traduit de cette langue. Je vous enverrai par la poste cet article regrettable.


201.

M. de Freycinet, Ministre des Affaires étrangères à M. Tissot, Ambassadeur de France à Constantinople.

D. n° 165.
Paris, 8 juillet 1880.

Depuis la réunion de la Conférence de Berlin, j’ai cru devoir à diverses reprises vous demander de représenter au Sultan et à ses conseillers à quels dangers l’Empire ottoman serait exposé par eux si, obéissant à d’imprudentes suggestions et refusant d’ouvrir les yeux sur les changements considérables qui se sont produits dans l’attitude de l’Europe vis-à-vis de la Sublime Porte, ils s’obstinaient à résister aux recommandations des Puissances médiatrices. Pour vous mettre en mesure de faire une plus vive impression sur Abdul Hamid et ses Ministres, et de donner ainsi plus de force aux conseils amicaux du Gouvernement de la République, je vous ai en même temps fourni des indications précises sur certains projets qui montrent à quel point les Puissances prennent au sérieux l’acte de Berlin et comptent le voir mettre en pratique sans trop de retards. Mon télégramme du 29 juin dernier, dans lequel je vous apprenais que la Russie avait proposé à l’Angleterre de fournir un corps de débarquement de 20.000 hommes pour assurer la prompte exécution de l’arrêt de la Conférence, contenait la plus significative de ces indications[1]. Vous m’avez fait savoir, le 1er juillet[2], que le Ministre des Affaires étrangères du Sultan avait été fort ému par les révélations d’un danger auquel jusqu’alors il n’avait pas cru, mais tout ce que vous a dit Abeddin Pacha au cours du long entretien que vous avez eu avec lui à cette date prouve malheureusement que son émotion n’a pas été assez profonde encore pour l’arrêter dans la voie périlleuse où il est engagé. Il n’en est que plus essentiel d’insister auprès de lui dans le sens des avertissements que nous avons cru devoir lui donner.

Ainsi que vous le verrez dans la copie ci-annexée d’une dépêche très confidentielle du comte de Saint-Vallier[3], l’exactitude des renseignements que

  1. Voir ci-dessus n° 183.
  2. Voir n° 188.
  3. M. de Saint-Vallier avait été avisé le 28 juin par le prince de Hohenlohe de la démarche faite à Londres par le prince Lobanoff auprès de Lord Granville (télégr. de Berlin du 28 juin, 7 h. 10 s.). Le télégramme auquel M. de Freycinet fait allusion ici avait été expédié de Berlin le 30 juin à 4 h. 38 s. Dès le 7 juillet, dans sa dépêche n° 250, le Ministre avait fait part à M. Challemel-Lacour des atténuations du comte Sabouroff.