Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/17

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riant comme des gosses. Le nouveau suivait à la queue, tout clopinant, tenant Lagny par son capuchon. Sulphart, la bouche sèche, sortit le premier de la ronde.

— Bon Dieu, on la crève ici… Et l’autre outil qui ne r’vient pas avec le pinard. Pourvu qu’il s’soit pas fait poirer par Morache.

La pensée de cette catastrophe arrêta les danseurs.

— Ça serait pourtant l’moment de boire le coup, se désola Vairon.

— Mais un autre peut aller en acheter, dit Demachy en sortant deux nouveaux billets. J’ai trop ri, je boirais bien.

Respectueux ou jaloux, les camarades regardèrent le nouveau ouvrir son porte-monnaie de cuir fin, et Broucke était si troublé qu’il dit « merci » en prenant l’argent.

Fouillard, qui avait oublié son rata, s’était jeté à quatre pattes devant son feu noirci et soufflait à pleines joues sur les cendres, sans en tirer une étincelle.

— Allez me chercher du papier, demanda-t-il, c’te vache de bois mouillé n’veut pas prendre.

Quelqu’un dégringola à la cave et en remonta une pile de papiers multicolores qu’il jeta près de l’âtre. Des feuillets s’envolèrent, blancs et bleus, presque tous du même format. C’étaient les papiers du notaire. La flamme, en se dressant, les fit voleter, et l’on crut lire un instant, dans le feu même, les belles bâtardes d’étude et les écritures appliquées de paysan.

— Moi, j’trouve ça ballot, fit Lemoine de sa voix bonasse. C’est des trucs qui se gardent… Si on brûlait les papelards de mes vieux pour les terres, j’l’aurais à la caille.