Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/67

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Vairon, dont les ongles claquent, compte à haute voix :

— Trente-deux… trente-trois.

— Vingt-sept… vingt-huit, réplique tranquillement le gars du Nord.

Tout en grattant les molletières, Sulphart les suit des yeux en connaisseur. Il a déjà son favori.

— Tu verras que ça sera Vairon qu’en aura le plus. Il a le sang plus chaud… C’est des gros ?

— « Des à la croix de fer », renseigne vaniteusement le camarade.

— C’est encore rien, ceux-là, fait Sulphart de son air important. On en a eu des rouges, des poux d’arbis. C’est les plus féroces, ceux-là, ça vous bouffe le sang. Et puis ça donne des maladies. Tandis que les autres, ça retirerait plutôt les mauvaises humeurs.

— Y a rien de meilleur pour la santé, ajoute un camarade instruit qui retire sa chemise pour commencer sa battue. Ça vous suce le mal…

— J’ai eu mon petit frère, c’est les poux et la gourme qui l’ont empêché d’avoir la méningite.

— Ça ne m’étonne pas, reprend l’autre, qui commence l’inspection de sa ceinture.

Mais dès le premier regard il se sent découragé. Son linge fourmille de vermine, on voit grouiller une file noire dans chaque pli. Un moment, il semble hésiter, puis, se décidant, il met tout en boule, sa chemise, son caleçon, sa ceinture, et jette le ballot par-dessus le mur.

— Tant pis, j’en toucherai du neuf. Ça me fera toujours ça de moins à laver.