Page:Dorion - Vengeance fatale, 1893.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
VENGEANCE FATALE

même de hache dans nos luttes sur les vaisseaux.

Il y a longtemps de cela, mais je n’en perdrai jamais le souvenir.

— On n’emploie guère l’épée, il me semble à un abordage.

— Généralement vous avez raison, mais il arrive quelquefois qu’elle soit quelque peu utile. Mais n’allez pas croire que je n’ai fait la guerre que sur les navires, j’ai aussi combattu dans un régiment d’infanterie, où je suis arrivé même au grade de lieutenant. C’est alors surtout que je me complaisais dans les grands tournois.

— Vous vous êtes battu ? Quand cela et où donc ?

— En France, en 1830, j’étais jeune alors, c’était le bon temps. On me connaissait sous le nom de Raoul de Lagusse et non pas de Darcy. J’ai toujours regretté mon séjour, bien court pourtant, en Europe. Que de fois n’ai-je pas eu à défendre ma vie dans des duels. Mais comme je viens de le dire, j’étais dans toute la fougue de ma jeunesse, le plus beau temps de la vie. Tenez, de toutes les saisons de l’année, c’est le printemps que je préfère précisément à cause de sa ressemblance avec la jeunesse, je serais prêt à chanter avec le poète.

 «Ô printemps, jeunesse de l'année !
 Ô jeunesse, printemps de la vie ! »

— Bravo ! vous parlez-bien, fit Puivert ; je ne vous ai jamais vu dans des dispositions plus gaies.

— Bah, parler, ce n’est rien. Attends encore un peu et tu pourras me voir à l’œuvre.

Edmond était devenu silencieux. Vous vous nommez Raoul de Lagusse, demanda-t-il à Darcy.

— Oui.