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VENGEANCE FATALE

et il serait bon que notre présence ici fût ignorée autant que possible.

Darcy et Puivert entrèrent dans ce bouge fastueusement décoré du nom d’auberge, tandis qu’Edmond conduisait la voiture dans une remise et voyait aux besoins de leur cheval.

La salle où Darcy et son fidèle serviteur étaient entrés, infectée par la fumée d’une quinzaine de fumeurs, chiqueurs et cracheurs émérites, était encore plus remarquable par les nombreux jurements et la conversation tapageuse qu’y tenaient les consommateurs en ce moment. Pour nous servir d’une expression bien connue, on pouvait fendre la fumée avec un couteau.

À peine les deux complices y avaient-ils mis le pied, qu’un homme tranquillement assis dans un coin de la chambre sortit sans bruit, mais non sans avoir remarqué les pistolets, si bien cachés qu’ils fussent dans les poches des deux nouveaux arrivés. Évidemment, ces derniers étaient attendus par cet homme, qui avait probablement reçu l’ordre de les épier et de les surveiller avec soin. Il se rendit dans la cour où il put voir de loin Edmond sortant de la voiture les épées, enveloppées dans une large toile et les emportant avec lui.

— Plus de doute, fit cet inconnu, ils sont armés de pied en cap ; nous devrons donc ferrailler, et certes dans un sérieux combat. Allons donc avertir Lesieur et son ami. Quels bons payeurs que ces gens-là. Déjà cinquante dollars, et cela pour rien ; il est vrai que cet après-midi nous aurons une crâne besogne.

Il rentra à la sourdine dans l’auberge et put, sans être vu, se glisser auprès de l’hôtelier, et lui dire :