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VENGEANCE FATALE

nier ne pouvait plus garder la figure sérieuse qu’il s’était composée pour écouter son ami. Aussi la remontrance se terminait-elle toujours par un franc éclat de rire de la part des deux jeunes gens.

Cela fit qu’au bout de deux ans Ernest n’était guère plus avancé dans l’étude de sa profession qu’au début. Quand Louis vint résider à Montréal, Ernest retourna alors chez sa mère, à la campagne, et dit à la médecine un éternel adieu. Cependant son caractère gai s’accommodait difficilement d’une vie trop sédentaire et il arrivait parfois que l’ennui le gagnait dans sa retraite. Alors il prenait le chemin de Montréal, ou il invitait quelques amis chez lui. Nous ne terminerions pas cette esquisse avec justice si nous n’ajoutions que, comptant sur la fortune dont il devait hériter plus tard, il n’avait jamais su calculer.

Après une bonne nuit, Ernest se leva de très bonne heure, ce qui était une dérogation à ses habitudes.

Louis dormait encore.

Ne voulant point le déranger, Ernest s’habilla sans bruit et sortit.

Il était environ six heures.

Le soleil, qui était très ardent, couvrait déjà la plus grande partie de la ville. La nature semblait vouloir sourire aux yeux d’Ernest ; déjà les oiseaux faisaient entendre au loin leur doux ramage, pendant qu’un rossignol gazouillait paisiblement dans un arbre à la porte du domicile de Louis, tout en sautant de branche en branche. Ernest se sentit radieux à cette vue, puis après s’être arrêté quelques instants, il se dirigea vers le fleuve.

Il venait de s’appuyer sur la balustrade du quai, lors-