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ESSAI SUR LECONTE DE LISLE


Bienheureux Adonis ! en leurs douces caresses
Les Vierges de Byblos t’enlacent de leurs tresses !
Eveille-toi, souris à la clarté des cieux,
Bois le miel de leur bouche et l’amour de leurs yeux ![1]


Le souvenir des contemporains de ces heures de la vie du poète, est là, pour rendre témoignage du réconfort de cœur que la jeune veuve éprouva au contact de cette flamme du génie. Après l’affreuse tourmente qui l’avait secouée et comme rejetée au rivage, elle avait, à côté du poète, la sensation de s’appuyer à la magnifique solidité d’un roc. De la fierté tendre se mêlait à son sentiment de gratitude. Elle ne se demandait point si la douleur avait fait d’elle la fille d’adoption du poète, ou si elle était son inspiratrice.

Entre les années 1880 à 1885, cette intimité se resserra encore entre l’auteur de La Résurrection d’Adonis et la jeune femme. Même, elle alla faire un séjour, dans le modeste appartement des Leconte de Lisle, Boulevard des Invalides. Avec une joie juvénile, le poète l’emmenait visiter tous les lieux où ils pouvaient voir de la beauté, tableaux, statues. D’autre part, les Parnassiens, qui fréquentaient la maison de celui qu’ils nommaient le Maître, cédaient à leur propre désir, autant qu’au goût de lui plaire, en déposant, aux pieds de la ravissante créole, des hommages en prose et en vers.

Nous avons sous les yeux un Album à tranches dorées, relié de maroquin noir, et fermé par une serrure. Dans l’angle supérieur de la couverture, le nom de la jeune femme est imprimé en lettres d’or. Le quart, environ, de ce petit livre est empli par des autographes, au bas desquels on lit les signatures de Victor Hugo, de Renan, de Tola Dorian, de Paul Bourget, de Jules Breton, de J. M. de Hérédia, du Vicomte de Guerne, d’Octave Lacroix, de Louis Ratisbonne, d’Anatole France, d’Edmond Haraucourt, de Catulle Mendès, de François Coppée, d’Étienne Arago, de Louis Ménard, de Théodore

  1. « La Résurrection d’Adonis ». Poèmes Tragiques.