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CHAPITRE III

L’Évocateur

L’heureuse destinée qui a fait naître Leconte de Lisle dans une île tropicale, au milieu des beautés naturelles dont ses yeux d’enfant ont été éblouis, devait, non seulement éveiller sa vocation poétique, mais encore contribuer à faire de lui un evocateur surprenant. Certes il en avait lui-même le sentiment lorsqu’il affirmait :

« Un poète peut n’être qu’un libre esprit, passionnément épris de la beauté naturelle des horizons, des montagnes et des vallées natales…[1] »

D’autre part, les artistes, qui, dans la description du monde extérieur, ont tenté de serrer de près leurs sensations, savent, que placés directement devant les objets dont ils veulent évoquer l’image avec des mots, ils se sentent troublés par les détails. Les circonstances fortuites les débordent, elles les empêchent de saisir ce qui est uniquement caractéristique dans les spectacles, les formes, qu’ils veulent peindre. Au contraire, dans le recul du souvenir, les grandes

  1. Étude sur Bérenger ». Nain Jaune, 1861.