eaux. Cette terre, ces eaux et le ciel se mêlent, pour lui, dans de perpétuels mariages qui magnifient, en y ajoutant du divin, le spectacle éblouissant des choses :
« Ô fleur de Kypris, reine des collines !
Tu t’épanouis entre les beaux doigts
De l’Aube écartant les ombres moroses.
L’air bleu devient rose, et roses les bois ;
La bouche et le sein des Nymphes sont roses[1]. »
De même, ce n’est point un souvenir classique, mais un mouvement de foi naïve, qui, dans ce taureau blanc « maître des pâturages », lui fait voir la forme symbolique dans laquelle le génie grec à figuré la puissance des eaux :
« Et couché comme un Dieu près du fleuve endormi
Pacifique, il rumine et clôt l’œil à demi…[2] »
Sainte-Beuve, qui résistait d’ordinaire, au point d’exclamation, parle avec admiration du « naturisme » de Leconte de Lisle ». Il s’écrie : « C’est magnifiquement dit ![3] »
Peut-être aurait-il été moins d’accord avec ce jeune créole, nourri, par un père philosophe, dans la religion de Jean-Jacques Rousseau, s’il avait lu, à la même époque, dans un article qui a pour titre : L’Oppresseur et l’Indigence[4], une tirade pathétique qui commençaient par ces mots : « Aux époques de civilisation — c’est-à-dire de ruse et de mensonge… » Peut-être encore n’eût-il acquiescé qu’à demi à la doctrine que le poète devait apporter quelques années plus tard dans la Préface de ses Poèmes Antiques : « Le rôle du poète est de donner la vie idéale à qui n’a plus la vie réelle : or, la vie réelle, c’est la vie naturelle. »