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LA POÉSIE FRANÇAISE CONTEMPORAINE

— au théâtre, où l’on est dans le visible et le tangible, qu’on le veuille ou non, il faut, se conformer à ce qui est. Tout spectateur dit comme saint Thomas : « Si je ne mets pas ma main dans la blessure de Son côté, je ne croirai pas qu’il est ressuscité ! »

A la scène, on a la sensation directe de l’inconvénient qu’il y a à confondre l’intention lyrique avec la réalité plastique, le symbole avec le fait. C’est pourquoi les poètes symbolistes ont tort de s’insurger contre un respect, nécessaire, d’habitudes cristallisées. Ils voudraient qu’on oubliât tout ce qui a été écrit, admiré, avant eux, pour apporter un art suggestif, hermétique, nouveau au point de se refaire « primitif », ignorant de tout ce qui a été fait, de tout ce qui a existé.

Sur ce terrain, comme sur celui de la poésie pure, ces poètes se connaissent un aïeul, et c’est l’américain Edgard Poë. Ils ont remis en lumière une de ses œuvres les moins connues : Politien, drame, où, à leur avis, chaque phrase a une signification évidente, nécessaire au déroulement logique de l’action, mais où, en même temps, une signification psychologique indéterminée et puissante, qui agit sur l’esprit du lecteur et agirait sur celui du spectateur l’initiant aux mystères de la sub-conscience des êtres dont il suit quelques péripéties (1).

Ces nouveautés sont enveloppées d’une recherche de « musicalité » qui ajoute à l’émotion et la fait rayonner par la seule vertu des sonorités et des rythmes. Cet ensemble de qualités conduit les symbolistes à affirmer que Poë aurait créé : « la tragédie de la Plénitude ».

(1) Cf. M. Riciotlo Canudo : Revue hebdomadaire, 1910.