Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/208

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— Tu nous écoutais ? s’écria mon oncle.

— Oui, mon oncle, je vous écoutais. Dire que vous avez pu l’appeler Votre Excellence !

— Qu’y faire, mon cher ? J’en suis même fier. Qu’est-ce, auprès de son sublime exploit ? Quel cœur noble, désintéressé ! Quel grand homme ! Serge, tu as entendu… Comment ai-je pu lui offrir de l’argent ? je ne parviens pas à m’en rendre compte. Mon ami, j’étais aveuglé par la colère ; je ne le comprenais pas, je le soupçonnais, je l’accusais… Mais non. Je vois bien qu’il ne pouvait être mon ennemi. As-tu vu la noblesse de son expression lorsqu’il a refusé cet argent ?

— Fort bien, mon oncle, soyez aussi fier qu’il vous plaira. Quant à moi, je pars ; la patience me manque. Je vous le demande pour la dernière fois : que voulez-vous de moi ? Pourquoi m’avez-vous appelé auprès de vous ? Mais si tout est réglé et que vous n’avez plus besoin de moi, je veux partir. De pareils spectacles me sont insupportables. Je partirai aujourd’hui même.

— Mon ami, fit mon oncle, avec son agitation accoutumée, attends seulement deux minutes. Je vais de ce pas chez ma mère pour y terminer une affaire de la plus haute importance. En attendant, va-t-en chez toi ; Gavrilo va te reconduire ; c’est