Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/84

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Raskolnikoff n’avait jamais affirmé cela. Un froid lui courut le long de l’épine dorsale.

— Vous mentez toujours, dit-il d’une voix lente et faible en ébauchant un sourire pénible. Vous voulez encore me montrer que vous lisez dans mon jeu, que vous savez d’avance toutes mes réponses, continua-t-il, sentant lui-même que déjà il ne pesait plus ses mots comme il l’aurait dû ; vous voulez me faire peur… ou simplement vous vous moquez de moi…

En parlant ainsi, Raskolnikoff ne cessait de regarder fixement le juge d’instruction. Tout à coup, une colère violente fit de nouveau étinceler ses yeux.

— Vous ne faites que mentir ! s’écria-t-il. — Vous savez parfaitement vous-même que la meilleure tactique pour un coupable, c’est d’avouer ce qu’il lui est impossible de cacher. Je ne vous crois pas !

— Comme vous savez vous retourner ! ricana Porphyre : — mais avec cela, batuchka, vous êtes fort entêté ; c’est l’effet de la monomanie. Ah ! vous ne me croyez pas ? Et moi, je vous dis que vous me croyez déjà un peu, et je ferai si bien que vous me croirez tout à fait, car je vous aime sincèrement, et je vous porte un véritable intérêt.

Les lèvres de Raskolnikoff commencèrent à s’agiter.

— Oui, je vous veux du bien, poursuivit Porphyre en prenant amicalement le bras du jeune homme un peu au-dessus du coude ; je vous le dis définitivement : soignez votre maladie. De plus, voilà que votre famille s’est maintenant transportée à Pétersbourg ; songez un peu à elle. Vous devriez faire le bonheur de vos parents, et, au contraire, vous ne leur causez que des inquiétudes…

— Que vous importe ? Comment savez-vous cela ? De quoi vous mêlez-vous ? Ainsi, vous me surveillez et vous tenez à me le faire savoir ?

— Batuchka ! Mais, voyons, c’est de vous, de vous-même que j’ai tout appris ! Vous ne remarquez même pas que, dans