Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/96

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lui vint de se rendre au plus tôt chez Catherine Ivanovna. Bien entendu, il était trop tard pour aller à l’enterrement, mais il arriverait à temps pour le dîner, et là il verrait Sonia.

Il s’arrêta, réfléchit, et un sourire maladif se montra sur ses lèvres.

« Aujourd’hui ! Aujourd’hui ! répéta-t-il : oui, aujourd’hui même ! Il le faut… »

Au moment où il allait ouvrir la porte, elle s’ouvrit d’elle-même. Il recula épouvanté en voyant paraître l’énigmatique personnage de la veille, l’homme sorti de dessous terre.

Le visiteur s’arrêta sur le seuil et, après avoir regardé silencieusement Raskolnikoff, fit un pas dans la chambre. Il était vêtu exactement comme la veille, mais son visage n’était plus le même. Il semblait fort affligé et poussait de profonds soupirs.

— Que voulez-vous ? demanda Raskolnikoff, pâle comme la mort.

L’homme ne répondit pas et tout à coup s’inclina presque jusqu’à terre. Du moins, il toucha le parquet avec l’anneau qu’il portait à la main droite.

— Qui êtes-vous ? s’écria Raskolnikoff.

— Je vous demande pardon, dit l’homme à voix basse.

— De quoi ?

— De mes mauvaises pensées.

Ils se regardèrent l’un l’autre.

— J’étais fâché. Quand vous êtes venu l’autre jour, ayant peut-être l’esprit troublé par la boisson, vous avez questionné à propos du sang et demandé aux dvorniks de vous conduire au bureau de police. J’ai vu avec regret qu’ils ne tenaient pas compte de vos paroles, vous prenant pour un homme ivre. Cela m’a tellement contrarié que je n’ai pas pu dormir. Mais je me rappelais votre adresse, et hier je suis venu ici…

— C’est vous qui êtes venu ? interrompit Raskolnikoff.