Page:Dostoïevski - Inédits.djvu/251

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

femme qui enseignait l’anglais à ses enfants avait fouetté son mari [1].

Oui, messieurs, le potin a bon goût. J’ai souvent pensé que si chez nous, à Pétersbourg, quelqu’un avait le talent de découvrir quelque chose de nouveau pour l’agrément de la vie, quelque chose n’existant encore dans aucun pays du monde, ce quelqu’un pourrait gagner des sommes formidables. Il y a des maîtres. C’est extraordinaire comme la nature humaine est bâtie ! Soudain, et pas du tout par lâcheté, l’homme cesse d’être homme et devient un petit insecte, un simple petit moucheron. Son visage se transforme et se recouvre non pas d’humidité mais d’une couleur particulièrement brillante. Sa taille, soudain, devient beaucoup plus petite que la vôtre ; l’indépendance disparaît totalement ; il vous regarde dans les yeux comme un chien qui attend un morceau. C’est peu. Bien qu’il ait un bon habit, il se couche par terre, agite joyeusement la queue, crie, lèche, ne mange pas avant qu’on ne l’y autorise. Et, ce qui est le plus drôle, le plus agréable, c’est qu’avec cela il ne perd point sa dignité. Il la conserve intacte, même à vos propres yeux. Tout cela se passe de la façon la plus naturelle. Sans doute vous êtes un Regulus d’honnêteté, au moins un Aristide, en un mot vous mourriez pour la vérité. Vous transpercez du regard cet homme. Lui, de son côté, est convaincu qu’il est tout à fait transparent. Et tout marche comme sur des roulettes. Vous trouvez cela bien, et l’homme ne perd pas sa dignité. Et tout cela parce qu’il vous loue, messieurs. Sans doute ce n’est pas bien qu’il vous loue en face. C’est vilain.

  1. Citée par Gogol.