Page:Dostoïevski - Inédits.djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Selon moi, c’est presque un grand homme et, indiscutablement, mieux vaut avoir en dépôt une nouvelle que la fortune. Quand un Pétersbourgeois apprend une nouvelle rare, et court la raconter, par avance il savoure une volupté spirituelle ; sa voix devient faible et tremble de plaisir ; son cœur baigne dans le beurre. À ce moment, tant qu’il n’a pas encore communiqué sa nouvelle, pendant qu’il court chez des amis à travers la perspective Nevski, il est délivré d’un coup de tous ses soucis. Même, on l’a observé, il se guérit des maladies les plus invétérées et – par comble ! – il pardonne à ses ennemis. Il est doux et grand. Et pourquoi ? Parce que le Pétersbourgeois, en un moment aussi solennel, prend conscience de sa dignité, de son importance et se rend justice. C’est peu. Vous et moi connaissons sûrement beaucoup de gens auxquels nous interdirions même notre antichambre (s’il n’y avait pas de vrais soucis d’affaires) s’ils venaient faire visite à notre valet. Cet homme comprend lui-même qu’il est coupable, et ressemble beaucoup au chien qui, la queue et les oreilles basses, attend les événements. Mais, soudain, voilà que ce monsieur sonne chez vous d’une façon hardie, passe sans se gêner devant le valet étonné, et, l’air rayonnant, vous tend la main. Et aussitôt vous reconnaissez qu’il en a le droit, qu’il a une nouvelle, ou un potin, ou quelque chose de très agréable à dire. Sans cette circonstance, un pareil individu n’oserait pas venir chez vous. Alors, non sans plaisir, vous l’écoutez, bien que peut-être vous ne ressembliez nullement à cette respectable dame du monde qui n’aimait à entendre aucune nouvelle mais qui écoutait avec plaisir cette anecdote : comment une