Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/22

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son vis-à-vis offrait de particulièrement curieux en ce moment, ils se seraient sans doute étonnés du hasard étrange qui les avait mis en face l’un de l’autre dans un wagon de troisième classe, sur la ligne de Varsovie à Pétersbourg. L’un d’eux, âgé de vingt-sept ans, était de petite taille ; il avait des cheveux crépus et presque noirs, des yeux gris, petits, mais pleins de feu. Son nez était épaté, ses pommettes saillantes ; ses lèvres minces esquissaient continuellement un sourire effronté, moqueur et même méchant ; mais le front, haut et bien modelé, corrigeait l’impression déplaisante que produisait le bas de la figure. Ce qui frappait surtout dans ce visage, c’était sa pâleur cadavérique. Quoique le jeune homme fût d’une constitution assez robuste, cette pâleur donnait à l’ensemble de sa physionomie un air d’épuisement, et, en même temps, quelque chose de douloureusement passionné qui ne s’harmonisait ni avec le sourire impudent des lèvres, ni avec l’expression hardie et présomptueuse du regard. Chaudement enveloppé dans une large pelisse d’agneau, il n’avait pas eu froid la nuit, tandis que la fraîcheur nocturne de l’automne russe avait glacé son voisin, qui, évidemment, n’était pas préparé à l’affronter. Ce dernier avait sur lui un gros manteau pourvu d’un immense capuchon et privé de manches, comme en portent les touristes qui, en hiver, visitent la haute Italie ou la Suisse. Mais ce qui était bon pour voyager dans ces contrées devenait tout à fait insuffisant en Russie. Le possesseur de ce manteau, jeune homme de vingt-six ou vingt-sept ans, était d’une taille un peu au-dessus de la moyenne ; il avait des cheveux blonds et épais, des joues creuses, une petite barbe pointue et presque complètement blanche. Ses yeux étaient grands, bleus et fixes ; leur regard doux mais pesant offrait cette expression étrange qui révèle à certains observateurs un individu sujet aux attaques d’épilepsie. Le jeune homme avait des traits agréables, fins et délicats, mais son visage était pâle et même, en ce moment, bleui par le froid. Ses mains tenaient un petit paquet, — probablement tout son