Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/58

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sérieux ou seulement d’un gouapeur ? Personnellement, quel est votre avis ?

Au moment où Gania posait cette question, quelque chose de particulier se produisait en lui. C’était comme une idée nouvelle qui enflammait son cerveau et mettait des éclairs dans ses yeux. Quant au général, dont l’inquiétude était très-réelle, il regarda aussi le prince, mais sans paraître compter beaucoup sur cette source d’informations.

— Je ne sais que vous dire, répondit Muichkine, — mais il m’a semblé qu’il y avait en lui beaucoup de passion, et même une passion maladive. D’ailleurs, il a encore l’air très-souffrant. Il se peut fort bien qu’il soit de nouveau forcé de s’aliter dans quelques jours, surtout s’il ne se ménage pas.

— Ah ! Ainsi, telle a été votre impression ? fit Ivan Fédorovitch se raccrochant à cette idée.

— Oui.

Gania s’adressa en souriant au général :

— Peu importe qu’il soit dans le cas de retomber malade d’ici à quelques jours. Il ne faut pas tant de temps aux anecdotes de ce genre pour se produire, et il peut en arriver une avant ce soir.

— Hum !… sans doute… Oui, cela est possible, et alors tout dépendra des dispositions de Nastasia Philippovna, reprit le général.

— Et vous savez comme elle est drôle parfois ?

— Que veux-tu dire ? s’écria Ivan Fédorovitch tout déconcerté. — Écoute, Gania, je t’en prie, aujourd’hui ne la contredis pas, et tâche, tu sais, d’être… en un mot, d’être gentil… Hum !… pourquoi fais-tu cette grimace ? Écoute, Gabriel Ardalionovitch, c’est maintenant ou jamais le moment de le dire : qu’avons-nous en vue ici ? Quant à mon intérêt personnel dans cette affaire, tu comprends que je n’ai pas lieu de m’en inquiéter ; de quelque façon que la question soit tranchée, elle le sera à mon avantage. Rien ne fera revenir Totzky sur la résolution qu’il a prise, par conséquent je ne cours aucun risque. Si donc je désire quelque chose à