Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Pafnoutii ? C’est intéressant ; eh bien, qu’est-ce qu’il a fait ?

Élisabeth Prokofievna questionnait d’une voix brusque et impatiente, les yeux toujours fixés sur le prince. Lorsque celui-ci répondit, elle l’écouta en hochant la tête après chacune de ses paroles.

— L’igoumène Pafnoutii vivait au quatorzième siècle, commença le prince, — son monastère était situé sur les bords du Volga, dans la contrée qui s’appelle maintenant le gouvernement de Kostroma. Il était célèbre par la sainteté de sa vie ; il est allé à la Horde, a aidé à arranger certaines affaires et a mis sa signature au bas d’un papier. J’ai vu un fac-similé de ce seing, l’écriture m’a plu et je me suis appliqué à l’imiter. Tantôt, comme le général voulait voir si j’ai une assez belle main pour pouvoir être employé quelque part, j’ai tracé plusieurs phrases offrant chacune un type d’écriture différent. Entre autres phrases se trouvait celle-ci : «  L’igoumène Pafnoutii a apposé sa signature », dans laquelle j’avais reproduit l’écriture même du moine. Cela a beaucoup plu au général, voilà pourquoi il en a parlé tout à l’heure.

— Aglaé, dit Élisabeth Prokofievna, — rappelle-toi : Pafnoutii, ou plutôt prends-en note, autrement je suis sûre d’oublier. Du reste, je croyais que ce serait plus intéressant. Où est donc cette signature ?

— Elle est restée, je crois, dans le cabinet du général, sur la table.

— Qu’on aille la chercher tout de suite.

— Ce n’est pas la peine, je puis vous la récrire, si vous voulez.

— Sans doute, maman, dit Alexandra, — à présent il vaudrait mieux déjeuner. Nous avons faim.

— Soit, décida la générale. — Venez, prince ; vous devez être très-affamé ?

— Oui, maintenant je mangerais volontiers, et je vous suis bien reconnaissant.

— C’est très-bien d’être poli, et je m’aperçois que vous