Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 2.djvu/10

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sources des eaux, figurait le réseau des chemins de fer répandus sur la surface de l’Europe. Le prince ne voulut pas croire que telle fût l’explication de Lébédeff ; on décida qu’on le lui demanderait à lui-même à la première occasion. Viéra apprit au prince que, depuis la veille, Keller s’était installé chez eux, et que, selon toute apparence, il ne les quitterait pas de sitôt, parce qu’il avait trouvé là une société et s’était lié avec le général Ivolguine ; du reste, il avait déclaré qu’il venait séjourner chez eux uniquement pour compléter son instruction. De jour en jour, le prince se plaisait davantage avec les enfants de Lébédeff. Kolia ne se montra pas de toute la journée : il s’était rendu de grand matin à Pétersbourg (Lébédeff, appelé au dehors pour ses petites affaires, était sorti aussi de très-bonne heure). Mais le prince attendait avec impatience la visite de Gabriel Ardalionovitch, qui s’était formellement engagé à l’aller voir aujourd’hui.

Il arriva vers sept heures de l’après-midi, aussitôt après le dîner. Au premier regard jeté sur lui, le prince se dit que ce monsieur, du moins, devait connaître tous les tenants et aboutissants de l’affaire, — et comment ne les aurait-il pas connus, lui qui pouvait se renseigner auprès de gens toujours aussi bien informés que Barbara Ardalionovna et Ptitzine ? Mais les relations que les deux hommes avaient ensemble étaient d’une nature assez particulière ; par exemple, le prince avait remis l’affaire de Bourdovsky entre les mains de Gabriel Ardalionovitch, et cette marque de confiance n’était pas la seule qu’il lui eût donnée. Néanmoins il existait toujours certains points dont, par une sorte d’accord tacite, ils évitaient de parler entre eux. Parfois il semblait au prince que Gania aurait peut-être désiré plus de franchise et de cordialité dans leurs rapports. Maintenant, par exemple, à ce que Muichkine crut remarquer quand il vit entrer le jeune homme, celui-ci paraissait convaincu que le moment de rompre la glace était arrivé. (Gabriel Ardalionovitch était pressé pourtant ; sa sœur l’attendait chez