Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/135

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qu’alors il en résulterait… Seigneur ! Comment aurait-on pu laisser cela ! Après de pareils outrages ! « Non, m’écriai-je, me jetant de nouveau dans le traîneau ; c’était écrit, c’est la fatalité ! Plus vite, plus vite, là-bas ! »

Dans mon impatience je donnai au cocher un coup de poing sur la nuque.

— Qu’as-tu donc, pourquoi me frappes-tu ? cria le paysan, tout en fouettant son haridelle, à un tel point qu’elle se mit à ruer.

La neige fondante tombait à flocons ; je me découvrais, je n’y songeais même pas. J’oubliais tout le reste, parce que je m’étais définitivement décidé à donner un soufflet, et je sentais avec horreur que cela devait arriver absolument, immédiatement et qu’aucune force humaine ne pourrait l’empêcher.

Les réverbères isolés scintillaient mornes dans la nuit de neige, comme des torches pendant un enterrement. La neige se glissait sous ma capote, sous ma redingote, sous ma cravate et y fondait ; je ne me couvrais pas : à quoi bon, tout n’était-il pas perdu ! Enfin, nous arrivâmes. Je descendis tout éperdu du traîneau, je montai les marches en courant, et je frappai à la porte des pieds et des mains. Mes jambes, surtout dans les genoux, faiblissaient affreusement. On ouvrit très vite ; comme si l’on avait annoncé mon arrivée.

En effet, Simonov avait prévenu que, peut-être, il viendrait encore quelqu’un. Ici, en effet, il fallait