Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/147

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elle tout à l’heure dans sa tête, quand elle m’examinait ? Alors, elle était donc capable de penser quelque peu ?… « Que le diable m’emporte, mais c’est curieux, nous sommes de la même famille, pensai-je, en me frottant les mains. Comment ne pas avoir raison d une si jeune âme ! »

Ce jeu m’excitait.

Elle tourna sa tête vers moi et la soutint avec sa main, comme il me parut dans l’obscurité. Elle m’examinait peut-être. Combien je regrettais l’impossibilité de voir ses yeux. J’entendais sa respiration profonde.

— Comment es-tu venue ici ? demandai-je avec quelque autorité.

— Comme ça…

— Il fait cependant bon dans la maison paternelle ! On y est au chaud, on y est libre ; c’est un nid.

— Mais si non ?

« Il faudrait toucher la corde sensible, me passa-t-il en tête ; on ne gagnera rien avec les sentiments. »

Cependant, ce ne fut qu’un éclair. Je le jure, elle m’intéressait réellement. D’ailleurs, j’étais affaibli et mal disposé. Et puis la friponnerie s’accorde si facilement avec le sentiment.

— Certainement ! me hâtai-je de répondre ; tout arrive. Je suis justement persuadé que quelqu’un t’a offensée et que ce sont plutôt les autres