Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/177

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s’il eût été chimiquement combiné à mon être. D’ailleurs, il n’aurait pas consenti à me quitter. Je ne pouvais habiter une chambre garnie : mon logement me permettait de m’isoler, c’était ma coquille, mon étui, dans lequel je me cachais de l’humanité ; et Apollon, Dieu sait pourquoi, me paraissait appartenir à ce logement, et pendant sept ans je ne pus me débarrasser de lui.

Il était impossible, par exemple, de retenir ses gages plus de deux ou trois jours. Il aurait commencé une telle histoire, que je n’aurais pas su où me mettre. Mais ces jours-là j’étais tellement irrité contre tous, que je pris la décision, à cause de quelque chose et dans quelque intention, de punir Apollon et de ne pas lui donner ses gages pendant quinze jours. J’avais eu cette intention depuis longtemps, depuis environ deux ans, uniquement pour lui prouver qu’il n avait pas à faire l’important avec moi et que si je voulais, je pourrais toujours arrêter ses gages. Je décidai de ne pas lui en parler, et de me taire exprès, pour vaincre son orgueil et le forcer lui-même, lui le premier, à parler de ses gages. Alors, je sortirais les sept roubles du tiroir, je lui ferais voir que je les ai et qu’ils sont mis de côté, mais que « je ne veux pas, je ne veux pas, tout simplement je ne veux pas lui donner ses gages ». Je ne veux pas, parce que je veux autrement, parce que ma volonté de maître est telle, parce qu’il n’est pas respectueux,