Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/176

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assurée et une constante ironie, qui me faisaient quelquefois enrager. Il remplissait ses fonctions comme s’il m’eut accordé une belle grâce. D’ailleurs, il ne faisait presque rien pour moi et ne se croyait nullement obligé de faire quelque chose. Il n’y avait pas de doute possible : il me considérait comme le plus grand imbécile de la terre et s’il « me gardait avec lui », c’était uniquement afin de recevoir de moi ses gages tous les mois. Bien des péchés me seront pardonnés à cause de lui ! Je ressentais parfois une telle haine pour lui, que sa seule démarche me donnait presque des convulsions. Mais ce qui était vilain chez lui surtout, c’était son zézaiement. Sa langue était quelque peu plus longue qu’il ne le fallait, ou bien il y avait quelque autre chose, ce qui faisait qu’il zézayait et sifflait constamment ; et je crois qu’il en était très lier, s’imaginant que cela ajoutait beaucoup à sa dignité. Il parlait lentement, d’un ton mesuré, les mains derrière le dos et les yeux baissés. Il m’agaçait surtout quand il lisait les psaumes, dans son réduit, derrière la cloison. J’ai soutenu bien des luttes à cause de ces psaumes. Mais cela lui plaisait beaucoup de lire le soir, d’une voix douce et monotone, comme s’il chantait à une veillée mortuaire. C’est curieux qu’il ajustement fini par là : il gagne sa vie à lire les psaumes auprès des morts, et en même temps il tue les rats et fabrique du cirage.

Mais alors je ne pouvais le chasser, comme