Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/179

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devant moi. Il m’arrivait, dans ma rage, de ne plus lui demander ce qu’il lui fallait. Mais moi-même, d’un mouvement brusque et impératif, je relevais la tête tout simplement et le fixais à mon tour. Nous nous regardions ainsi quelquefois pendant deux minutes ; enfin, il se retournait, lentement, et disparaissait encore pendant une couple d’heures.

Si cela ne me ramenait pas encore au bien, si je continuais à me révolter, il commençait tout d’un coup à soupirer, en me regardant, à soupirer longuement, profondément, comme s’il sondait avec ce seul soupir la profondeur de ma chute morale ; et certainement, il finissait par vaincre.

J’enrageais, je criais, mais j’étais forcé de m’exécuter. Cette fois, les manœuvres des « regards sévères » avaient à peine commencé, que je perdis patience, et je me jetai sur lui dans ma rage. J’étais vraiment trop irrité.

— Halte ! criai-je hors de moi, quand il se tourna lentement et en silence, une main derrière le dos, pour aller dans sa chambre.

— Halte ! Reviens, reviens, te dis-je ! Et je rugis probablement d’une façon si peu ordinaire, qu’il se retourna et se mit à m’examiner avec quelque étonnement. D’ailleurs, il continuait à ne pas dire un mot, et cela me rendait fou.

— Comment oses-tu entrer chez moi, sans permission et me regarder ainsi, réponds !