Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/180

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Il me regarda tranquillement pendant une demi-minute, et allait s’en retourner.

— Halte ! criai-je en courant vers lui ; ne bouge pas ! Là. Réponds maintenant : que venais-tu voir ?

— Si vous avez quelque chose à me commander. C’est mon devoir de le faire, répondit-il, soulevant les sourcils et inclinant tranquillement la tête d’une épaule à l’autre, tout— cela avec un calme terrible.

— Ce n’est pas cela, ce n’est pas ce que je te demande, bourreau ! criai-je, tremblant décoléré. Je vais te le dire moi-même, ce que tu viens faire ici, assassin ! Tu vois que je ne te donne pas ton salaire, par orgueil, tu ne veux pas t’incliner, le demander, et c’est pour cela que tu viens avec tes stupides regards me punir, me torturer, et tu ne soupçonnes pas, brigand, combien c’est bête, bête, bête, bête, bête !

Il voulut se tourner en silence, mais je le saisis.

— Écoute, lui criai-je. Voilà l’argent, le vois-tu, le voilà ! (je le sortis de la table), les sept roubles sont là, mais tu ne les recevras pas, tu ne les recevras pas, jusqu’à ce que tu ne viennes, respectueusement, humblement, me demander pardon. As-tu entendu ?

— Ce n’est pas possible ! répondit-il avec une assurance extraordinaire.

— Cela sera ! criai-je, je t’en donne ma parole d’honneur, cela sera.