Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/197

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voir, et ensuite, avec honte et désespoir, je courus derrière Lisa. J’ouvris la porte de l’escalier et l’appelai mais timidement, à mi-voix…

Pas de réponse, mais il me sembla entendre ses pas sur les dernières marches.

— Lisa ! criai-je plus fort.

Pas de réponse. Mais au même instant j’entendis en bas s’ouvrir avec un grincement lourd la porte de dehors qui était vitrée, et qui se ferma durement. Le bruit résonna dans l’escalier.

Elle était partie. Je rentrai dans ma chambre tout pensif. Cela m’était affreusement pénible.

Je m’arrêtai à la table près de la chaise sur laquelle elle s’était assise et je regardai stupidement devant moi. Au bout d’une minute, je tressaillis soudain. Devant moi, sur la table, je vis… En un mot. je vis un billet bleu, chiffonné, le même billet de cinq roubles que j’avais enfermé dans sa main il y avait un instant. C’était bien le même billet ; ce ne pouvait en être un autre, il n’y en avait pas d’autres dans la maison. Elle avait donc eu le temps de le jeter sur la table au moment où je me précipitais dans l’autre coin.

Eh bien ? Je pouvais m’y attendre. Pouvais-je m’y attendre ? Non. Je suis tellement égoïste, je respectais si peu les hommes, que je ne pouvais même pas me figurer quelle fit cela. Je ne le supportai pas. Un instant après, comme un fou, je m’habillai à la hâte, mettant n’importe quoi, et je me