Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/223

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— Mais vous vous méprenez, Timotheï Semionitch. Tout au contraire, Ivan Matveïtch vous demande vos conseils et votre protection, avec des larmes dans les yeux, si je puis dire.

— Hem ! avec des larmes dans les yeux ? Ce ne sont que des larmes de crocodile et il n’y faut pas trop ajouter foi. Voyons, quel besoin avait-il d’aller à l’étranger ? Avec quel argent ? Il n’en a même pas les moyens…

— Il a fait des économies, Timotheï Semionitch, répondis-je d’un ton plaintif ; il avait mis sa dernière gratification de côté. Il ne s’en allait que pour trois mois, pour visiter la Suisse, la patrie de Guillaume Tell…

— De Guillaume Tell ?… Hem !…

— Il voulait jouir du printemps à Naples, visiter les musées, voiries mœurs, les animaux…

— Hem !… Les animaux ? A mon avis, il n’entreprenait ce voyage que par pur orgueil. Les animaux ? Quels animaux ? Est-ce qu’il n’y en a pas assez chez nous ? Nous ayons des musées, des ménageries, des chameaux. Les ours habitent à deux pas de Pétersbourg et lui-même est actuellement domicilié dans un crocodile…

— Timotheï Semionitch ! Par pitié ! Cet homme est dans le malheur. Il vient à vous comme un ami, comme un parent plus âgé ; il demande un conseil et vous lui laites des reproches… Avez au moins pitié d’Elena Ivanovna.