Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/248

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veinent d’opinion. J’espère servir à bien d’autres choses. Je ne doute pas de voir accourir vers moi. chaque matin, une foule de curieux qui paieront volontiers vingt-cinq copeks pour connaître ma pensée sur les derniers télégrammes de la veille. En un mot. je trouve que l’avenir se présente à moi sous les couleurs les plus brillantes.

« La fièvre ! la fièvre ! » me disais-je. Je poursuivis à haute voix, pour mieux le pénétrer :

— Mais, mon ami, et la liberté, qu’en fais-tu ? Tu es comme en prison et la liberté n’est-elle pas le plus grand bien de l’homme ?

— Que tu es bête ! me répondit-il. Certes, les sauvages aiment l’indépendance, mais les vrais sages sont épris d’ordre, avant tout, car, sans ordre…

— De grâce, Ivan Matveïtch !…

— Tais-toi et écoute ! hurla-t-il furieux de l’interruption. Jamais je ne m’étais senti aussi tort qu’à présent. Dans mon étroit abri, je ne crains guère que la pesante critique des grands journaux et le sifflement des feuilles satiriques. J’appréhende que les gens peu sérieux, les imbéciles, les envieux et, en général, les nihilistes ne se fassent une risée de moi. Mais je prendrai mes mesures. J’attends avec impatience le jugement que l’opinion publique et surtout la Presse porteront sur moi dès demain. Tiens-toi bien au courant de cela.

— Bon ! je t’apporterai demain un tas de journaux.