Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/296

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quelque autre raison, il se mit de toutes ses forces à tirer sur soi la couverture, sans doute afin de se cacher à tous ces yeux compatissants. Le premier, Marc Ivanovitch, rompit le silence et, en homme sensé, commença de dire doucement qu’il fallait se calmer, que c’était une chose mauvaise et honteuse d’être ainsi malade, que c’était bon pour les enfants, qu’il fallait se guérir et reprendre le service. Il termina même par une petite plaisanterie, disant que les appointements des employés malades n’étaient pas encore fixés et que, comme on ne leur donnait pas non plus d’avancement, une telle situation, suivant lui, ne pouvait porter d’appréciables profits. Bref, tout le monde prenait une part évidente à la souffrance de Sémione Ivanovitch et le plaignait.

Mais, avec la plus incompréhensible ingratitude, celui-ci s’obstina à rester au lit, à se taire et à tirer sa couverture. Pourtant, Marc Ivanovitch ne se tint pas pour battu et, se contenant, prononça quelques douces paroles, car on doit des ménagements au malade. Mais Sémione Ivanovitch ne voulait toujours rien entendre. D’un air méfiant, il grommelait on ne sait quoi entre ses dents et soudain il se mit à rouler de droite et de gauche des yeux furieux qui eussent voulu pouvoir réduire à eux seuls toute l’assistance en poussière. Une telle attitude rendait superflus tous les ménagements et, ne se contenant plus, voyant que cet homme s’était juré de s’entêter, très offensé, Marc