Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/295

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ignoblement volé par lui cinq ans plus tôt, lorsqu’il avait sauté de la voiture avant de l’avoir payée, pour disparaître en coup de vent par une maison à deux issues. M. Prokhartehine voulut crier, parler, mais sa voix s’étranglait dans sa gorge. Il sentait la pression de la foule furieuse qui l’enserrait, tel un serpent, et l’étouffait. Dans un effort surhumain, il se réveillait. Mais ce n’était que pour s’apercevoir que son coin brûlait, avec son paravent et tout l’appartement, Oustinia Féodorovna et ses locataires. Son lit était en flammes et aussi son oreiller, sa couverture, son coffre et jusqu’à son précieux matelas dont il se saisit pour l’emporter dans sa fuite. C’est ainsi qu’il pénétra en chemise et pieds nus dans la chambre de son hôtesse où il fut saisi, ligoté et reporté derrière le paravent qui brûlait beaucoup moins que sa pauvre tête. On le recoucha.

Ainsi l’homme aux marionnettes range au fond d’une caisse le polichinelle qui s’est suffisamment démené, rossant tout le monde et vendant son âme au diable. Jusqu’à une prochaine représentation, le pantin interrompra son existence, couché dans le coffre en compagnie de ce même diable, du nègre, de Pierrot, de Colombine et de l’heureux amant de cette dernière, le commissaire. Toute la pension s’assembla autour du lit de Sémione Ivanovitch et resta là. faisant converger sur lui des regards curieux. Enfin, il reprit ses esprits et, par pudeur, ou par