Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/309

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dit plus tard Océanov, de penser que la vie est également dure pour tout le monde, il eût gardé sa raison, et eût continué à vivre comme nous tous. » De toute la journée, il ne fut question que de Sémione Ivanovitch. On revenait constamment près de lui ; on lui demandait comment il allait ; on lui prodiguait les consolations… Mais vers le soir, il n’avait plus besoin de consolations, en proie à la fièvre, au délire. On fut sur le point d’aller chercher un médecin et tous les pensionnaires s’engagèrent à le soigner et à le veiller toute la nuit à tour de rôle afin qu’on fût prévenu en cas d’alerte. C’est pourquoi, ayant installé au chevet de Sémione Ivanovitch son camarade, l’ivrogne, ces messieurs organisèrent une partie de cartes destinée à les tenir éveillés. Mais comme on jouait à la craie, cela ne présentait aucun intérêt et on s’ennuya bientôt. Alors, on laissa le jeu et l’on se mit à discuter jusqu’à brailler et à taper sur la table, si bien que chacun finit par réintégrer son coin en vociférant des paroles violentes. Comme ils étaient tous furieux, personne ne voulut plus monter la garde. Tout le monde finit par s’endormir et bientôt régna sur l’appartement un silence d’oubliette. De plus, le froid était intense. Océanov s’endormit l’un des derniers et voici ce qu’il raconta plus tard : « Songe ou réalité, j’ai eu l’impression que, tout près de moi, deux hommes causaient vers deux heures du matin. » Il avait reconnu Zimo-