Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/311

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son oreiller, de sorte qu’on ne voyait plus sur le lit qu’un matelas vétuste et crasseux sans l’ombre de draps — il n’y en avait d’ailleurs jamais eu. On retira Sémione Ivanovitch de sa position inférieure et on le recoucha sur le matelas, mais on s’aperçut tout aussitôt que tout serait inutile et que c’en était fait de lui : ses membres se raidissaient et il soufflait à peine. On l’entoura ; il tremblait de tout son corps ; on le voyait bien s’efforcer de gesticuler et de parler, mais il ne pouvait pas plus bouger les mains que la langue. Pourtant, il battait des paupières, un peu comme dit-on battent celles des têtes que vient de trancher le bourreau, encore chaudes et saignantes.

Enfin, tressaillements et convulsions s’arrêtèrent M. Prokhartchine allongea les jambes et s’en fut rendre compte de ses bonnes et de ses mauvaises actions. Que lui était-il arrivé ? Avait-il eu peur ? avait-il eu un cauchemar, comme l’affirma plus tard Remniov ? y avait-il eu autre chose ? On n’en savait rien. Le fait est que, quand même le commissaire en personne se fût présenté dans l’appartement pour en chasser Sémione Ivanovitch, en raison de ses opinions voltairiennes, ou qu’une mendiante fût entrée en se disant la belle-sœur, quand même on fût venu lui dire qu’il avait droit à deux cents roubles de gratification, quand même son lit eût pris feu et que sa tête eût brûlé, il est probable qu’il n’eut pas