Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/66

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Nous discutons sérieusement ; si vous ne voulez pas m’honorer de votre attention, je ne vous en prierai pas. J’ai mon sous-sol.

Tant que je vis et que je désire, que mon bras se dessèche si j’apporte la moindre brique pour une pareille maison ! Ne faites pas attention que j’ai repoussé tout à l’heure l’édifice de cristal, uniquement parce qu’on ne pourrait lui tirer la langue. Je ne l’ai pas du tout dit parce que j’aime tant tirer la langue. J’étais peut-être vexé uniquement par cela que, de tous vos édifices, il ne s’en trouve pas un auquel on ne doive point tirer la langue. Au contraire, je me serais laissé complètement tirer la langue par reconnaissance, si seulement cela pouvait s’arranger ainsi, que moi-même n’aurais jamais plus envie de la tirer. Qu’est-ce que cela peut me faire, qu’on ne puisse s’arranger ainsi et qu’il faille se contenter des logements. Pourquoi suis-je ainsi fait avec des désirs ? Serais-je fait ainsi uniquement pour arriver à la conclusion que toute mon organisation n’est qu’une tromperie ? Serait-ce là le but ? Je ne le crois pas.

Et cependant, savez-vous : je suis sûr que nous autres, qui habitons les sous-sols, avons besoin d’être tenus en laisse. Car, malgré qu’un de nous soit capable de rester quarante ans dans son trou, une fois dehors, une fois échappé, il se met à parler, à parler, à parler sans cesse…