Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

écrit ! Ou bien, j’y crois peut-être, mais en même temps, je ne sais pas pourquoi, je sens et je soupçonne que je mens comme un arracheur de dents.

« Mais alors, pourquoi avez-vous écrit tout cela ? »

— me dites-vous.

Mais si je vous enfermais pendant quarante ans, sans aucune occupation, et que je vinsse vous trouver au bout de ce temps, dans votre sous-sol, pour savoir ce que vous êtes devenu ? Peut-on laisser l’homme seul pendant quarante ans sans aucune occupation ?

« N’est-ce pas honteux, n’est-ce pas humiliant ! — médirez-vous, peut-être, en secouant la tête avec mépris — Vous avez soif de la vie et vous résolvez les questions vitales par un galimatias logique. Qu’elles sont assommantes, qu’elles sont impertinentes, vos sorties, et en même temps comme vous avez peur ! Vous dites des bêtises et vous en êtes content. Vous dites des impertinences et vous avez constamment peur et vous vous excusez. Vous assurez que vous ne craignez rien, et en même temps vous recherchez notre approbation. Vous dites que vous grincez des dents, et vous faites en même temps de l’esprit, pour nous faire rire. Vous savez, vos jeux de mots ne sont pas spirituels mais vous êtes très satisfait, d’une façon évidente, de leur mérite littéraire. Il vous est peut-être arrivé de souffrir réellement, mais vous ne respectez nullement vos souffrances. Il y a, peut-être, en vous de la vérité,