Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rangées… Tout ne se passait pas au bord du lac de Côme. Mais cependant, vous avez raison ; c’était vraiment trivial et lâche. C’est encore plus lâche, de ma part, de commencer à m’excuser devant vous. Et encore plus lâche de faire cette réflexion. Cela suffit cependant, car autrement on n’en finirait jamais : l’un serait toujours plus lâche que l’autre.

Je n’étais pas capable de rêvasser plus de trois mois de suite et je commençais à éprouver le besoin irrésistible de me jeter dans le monde. Me jeter dans le monde signifiait pour moi aller voir mon chef de bureau, Anton Antonitch Sétotchkine. C’était l’unique et constante connaissance de toute ma vie, et je suis étonné maintenant de cette circonstance. Mais chez lui non plus je n’allais que quand l’idée me prenait et quand mes rêves m’amenaient à un tel degré de bonheur, qu’il me fallait absolument sans tarder me jeter dans les bras des hommes et de toute l’humanité. Et pour cela il faut avoir au moins un homme effectif, un homme en chair et en os. Il fallait d’ailleurs se présenter chez Anton Antonitch le mardi (c’était son jour), il fallait, par conséquent, s’arranger de façon à avoir besoin d embrasser l’humanité le mardi. Cet Anton Antonitch demeurait à Piat-Ouglov, au quatrième, dans un appartement de quatre pièces, liasses de plafond et toutes petites, qui paraissaient enfumées et misérables. Il y avait