Page:Doumic - La Poésie lyrique en France au dix-neuvième siècle, 1898.djvu/86

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Cette poésie personnelle date du XIXe siècle, elle est quelque chose de tout à fait nouveau. Dans l’époque classique, il était entendu que l’écrivain ne doit pas parler de lui-même. Au XVIIe siècle, vous savez ce qu’on dit ; on dit : le moi est haïssable. Eh bien, nous avons changé tout cela, et depuis le temps de Jean-Jacques Rousseau on a trouvé au contraire que le moi était très agréable ; et les écrivains, persuadés que le moi est aussi intéressant pour les autres que pour nous-mêmes, n’ont cessé d’en entretenir leurs lecteurs. C’est depuis ce temps-là que tous les écrivains écrivent leurs mémoires et qu’on publie ses mémoires, ses souvenirs, ses confidences, ses confessions, l’histoire de sa vie, etc.

Ce que je voudrais vous montrer aujourd’hui, c’est comment, vers le milieu de ce siècle, il s’est fait une réaction, dans la poésie française, contre ce système de l’étalage de la personnalité, et comment la poésie, qui avait commencé par être personnelle, est devenue, au contraire, impersonnelle ; comment la poésie romantique s’est transformée, pour devenir la poésie parnassienne.

Déjà, dès le temps du romantisme, il s’en faut que tous les poètes n’eussent trouvé rien de plus intéressant à mettre dans leurs vers que les épisodes de leur propre sensibilité, et, très peu de temps après les Méditations de Lamartine, il paraissait un recueil de vers d’un poète qui est l’un de nos plus grands, d’Alfred de Vigny,

Quelle est donc, dans l’histoire de notre poésie au XIXe siècle, la part d’Alfred de Vigny ? Ce qui lui