Page:Doumic - La Poésie lyrique en France au dix-neuvième siècle, 1898.djvu/87

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appartient en propre, ce qu’il représente, c’est ceci : une tentative pour donner à la France une poésie philosophique, pour allier ces deux choses : la poésie, d’une part et la philosophie, d’autre part. La tentative était très diliicile et très périlleuse ; car, songez-y, la poésie et la philosophie, si on se demande ce que c’est au fond, il semble bien que ce soient deux ennemies, deux antagonistes, et que la définition de l’une soit l’exclusion de la définition de l’autre.

Qu’est-ce que c’est, en effet, que la poésie ? La poésie, c’est quelque chose de concret ; il n’y a pas de poésie sans images. Mais la philosophie, c’est l’idée pure, c’est quelque chose d’abstrait. De sorte que la poésie et la philosophie, la poésie philosophique, il semble bien que ce soit l’alliance du concret et de l’abstrait, c’est-à-dire, si vous le voulez, de l’eau et du feu. Et, en effet, la plupart du temps, lorsqu’on a voulu exprimer des idées philosophiques en vers, on a exprimé des idées philosophiques, mais on n’a pas fait des vers ; on a fait de la prose rimée, de la poésie mnémotechnique. L’idéal, en ce sens, c’est la Géométrie mise en vers. Vous connaissez quelques-uns des théorèmes de cette Géométrie mise en vers ; par exemple :

Le carré de l’hypothénuse
Est égal, si je ne m’abuse...

....Au fait, je ne sais plus du tout à quoi est égal le carré de l’hypoténuse.

Aussi, la poésie philosophique, dans tous les pays, n’a-t-elle donné lieu qu’à un nombre d’œuvres fort