Quel serait notre état d’esprit si nous mettions en doute la sincérité de témoignages qui n’ont aucun intérêt à nous tromper, par ce motif seul qu’ils nous viennent du dehors ? Assurément, s’il ne s’agissait que d’une question ordinaire de trahison, nous n’aurions rien à demander à des officiers de nationalité étrangère, et sans doute aussi ces derniers se refuseraient-ils à nous instruire de ce qu’ils pourraient savoir ; mais oublie-t-on que le but à poursuivre n’est pas la répression d’un crime touchant à la sûreté extérieure de l’État ? C’est la revision d’une erreur judiciaire qui soulève une question d’humanité.
Pour faire cesser cette intolérable iniquité, la torture morale d’un innocent, rien ne peut coûter à des hommes qui doivent avoir, comme premier principe gravé dans leur conscience, le respect de la justice et du droit.
Ils y doivent sacrifier, s’il est nécessaire, tout esprit d’amour-propre et d’orgueil. Le sacrifice accompli est, en un tel cas, plus noble et plus glorieux que les sentiments au-dessus desquels il a fallu s’élever pour y atteindre.
V
Quelqu’un croyant à l’innocence de Dreyfus pourrait-il songer à étouffer, de gaieté de cœur, la vérité en marche ?