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INTRODUCTION

S’il en est qui s’inquiètent de leurs responsabilités éventuelles et qui croient voir partout des raisons d’État, ils en sont là peut-être ; mais nous ne pouvons croire à une pareille indifférence de la part de ceux qui ne se sentent troublés par aucune préoccupation personnelle et qui ont conservé leur sang-froid.

Nous pouvons nous laisser abuser, nous abandonner aveuglément à l’intolérance d’un faux patriotisme ; mais nous ne sommes pas un peuple d’égoïstes, et notre générosité native se réveille quand nous croyons voir la vérité opprimée et l’injustice triomphante.

Que faut-il pour que nous nous rencontrions tous dans un même sentiment de pitié à l’égard du capitaine Dreyfus et que nous invoquions tous, en sa faveur, le secours de la loi ?

Il suffit que nous approfondissions, sans parti pris et d’un esprit loyal, les détails de son affaire ; que nous nous fassions un devoir de n’en rien ignorer et que, surtout, nous sachions rester sourds aux excitations révoltantes qui tendent à la transformer en levier politique.

Le jour où cette idée grandissante : que le condamné de l’île du Diable est un martyr, aura pénétré plus profondément dans le cœur de la nation, rien ne pourra plus la déraciner, et, ce jour-là, l’heure de la réparation aura sonné.

En attendant ce jour de soulagement, veuillez, vous qui venez de parcourir ces lignes, lire encore avec attention les lettres de celui dont la cause ne peut vous laisser insensibles, et que nous repro-