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Page:Dreyfus - Lettres d un innocent (1898).djvu/77

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LETTRES D’UN INNOCENT
5 heures.

J’ai vu Louise et Rachel ; j’ai senti leurs cœurs palpiter avec le mien et partager mes souffrances. Leur foi en l’avenir est absolue ; j’espère comme elles.

Quel dévouement je rencontre dans nos merveilleuses familles, chez nos amis ! Cela console, du reste, de l’humanité. Vraiment on ne juge les gens que dans le malheur.

Je t’embrasse mille fois comme je t’aime.

Ton dévoué,

Alfred.

C’est cette bonne Jeanne qui doit changer à vue d’œil. Devient-elle une belle fille comme son frère est un beau garçon ?

————
Le 17 janvier 1895.
(Jeudi, 9 heures).

Quel rôle ces maudits nerfs jouent dans la vie humaine !

Pourquoi ne peut-on pas dégager entièrement la personnalité matérielle de la personnalité morale, et faire ainsi que l’influence de l’une ne s’exerce pas sur l’autre ?

Ma personnalité morale est toujours aussi vaillante, aussi forte. Elle est résolue à aller jusqu’au bout, elle est décidée à tout. Il me faut en effet mon honneur qu’on m’a arraché sans que j’aie jamais failli.

Mais ma personnalité matérielle subit de rudes secousses ! Mes nerfs tendus à l’excès depuis près de trois mois me font parfois horriblement souffrir et je