Page:Driant - L’invasion noire 3-fin de l’islam devant Paris,1913.djvu/132

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Mais à cette heure elle n’avait d’autre inquiétude que celle de la chute du haut des airs et, dès que l’aérostat eut perdu de vue la capitale, elle s’enquit auprès de M. Franclieu du maniement des appareils de sauvetage dont on lui avait parlé.

Le jeune enseigne qui déjà papillonnait agréablement autour de la maîtresse et ne demandait qu’à s’assurer les bonnes grâces de la gouvernante, la conduisit avec empressement vers l’aérostat dégonflé qui avait été la veille même spécialement aménagé pour recueillir Mme Suzanne Kent et miss Clipott. Il ne différait des autres que par le mode de suspension des passagers : on avait remplacé l’anneau, auquel deux femmes se fussent difficilement accrochées, par de petits bancs formant trapèzes et sur lesquels il suffisait de s’asseoir après avoir ouvert le compteur de gonflement de l’aérostat et coupé sa corde de retenue.

En femme intelligente, miss Clipott ne devait pas tarder à être complètement familiarisée avec les manipulations essentielles du véhicule sauveur, et elle n’était pas embarquée depuis deux heures que sa quiétude était complète.

La direction normale suivie par le Vengeur était tracée par une ligne reliant Paris à Constantinople, où devait se trouver le Tzar, puisque de Melval et Zahner l’y avaient encore vu quinze jours auparavant.

C’était, en ligne droite, un trajet de 2.600 kilomètres, soit avec une vitesse de 110 kilomètres à l’heure et en supprimant la marche de nuit, trop dangereuse en pays inconnu, un voyage de quarante-quatre heures.

Mais cet itinéraire, complètement continental, puisque du lac de Constance il atteint la Save et se dirige sur Belgrade, n’eût pas permis à M. de Brantane de faire l’épreuve de son ballon en lui faisant franchir les reliefs les plus élevés de l’Europe centrale : obliquant donc au Sud d’environ 30° par rapport à l’azimut primitif, il mit le cap sur le mont Blanc, situé à 500 kilomètres environ.

Il ne put l’atteindre avant la nuit et plana jusqu’à quatre heures du matin au-dessus de Lons-le-Saunier, se maintenant à une hauteur moyenne de 2.000 mètres pour ne pas risquer de heurter les crêtes du Jura s’il était dérivé vers l’Est par un courant quelconque, et le lendemain, à neuf heures du matin, il franchissait le chaos de contreforts, de pics et de glaciers formant l’ossature du géant des Alpes.