Page:Driant - L’invasion noire 3-fin de l’islam devant Paris,1913.djvu/15

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— Sur toi et sur ton fils, sur tes principaux chefs, si je le pouvais, m’a expliqué le grand vizir Youssef.

— Ah ! c’est le grand vizir, c’est Youssef lui-même qui t’a donné des instructions ?

— Très détaillées ; elles se résument d’ailleurs dans l’emploi de cette petite bouteille.

Et du fond de son fez, où l’on n’eût guère songé à chercher quoi que ce fût, Kaddour tira une petite fiole, très plate, en verre épais comme celui des flacons de parfums orientaux ; le tube très étroit était rempli d’une liqueur légèrement rosée.

— Voici, dit Kaddour élevant la fiole au-dessus de sa tête, le poison le plus anciennement connu de tous les poisons, car les prêtres égyptiens l’obtenaient par distillation des feuilles du pêcher ; aujourd’hui extrait du cyanure de mercure, il est l’acide cyanhydrique, le plus violent de tous les toxiques connus. Une seule goutte dans la boisson qui te désaltérera tout à l’heure et un accès de tétanos t’enlèverait en quelques minutes ; une seule goutte sur la muqueuse de ta langue et ton cœur battrait à coups précipités pendant quelques secondes pour s’arrêter subitement glacé par la mort.

Il y eut un moment de silence. Le Sultan regardait la bouteille, l’œil fixe, les sourcils froncés.

— Qui est venu te proposer cette mission ? demanda Omar.

— Un juif de Salonique me sachant pauvre et connaissant les fonctions que j’avais remplies auprès de toi jadis ; il en a parlé d’abord au consul anglais qui m’a fait conduire à Constantinople. C’est là que le grand vizir m’a expliqué ce qu’on attendait de moi « Aucun autre, me dit-il, ne pourrait approcher le Sultan, toi tu le pourras sans peine ».

— Et tu as accepté ?

— Sans hésiter, pour deux raisons : la première, c’est que j’ai vu dans cet événement amené par Dieu un moyen de me rapprocher de toi et de t’offrir à nouveau mon dévouement et mes services ; la seconde, c’est que j’ai lu clairement dans le regard de Youssef l’intention bien arrêtée de me faire étrangler au sortir de l’entrevue, s’il avait un doute sur mon acceptation.

— Tu as bien fait et tu es un fidèle serviteur, dit le Sultan ; d’ailleurs si tu avais refusé on en aurait trouvé un autre qui