Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/297

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Nul fonctionnaire de la prison ne s’est couché, ni le directeur, ni le greffier, ni les gardiens. Dans le premier guichet on cause du condamné. C’est un homme qui va mourir et qui peut-être avait encore de longs jours à vivre ; on le plaint sans même chercher quels ont été ses crimes ; chacun exprime son opinion sur l’attitude qu’il aura au moment suprême, et la plupart disent : Il planchera (il montrera de la faiblesse). Un gardien arrive ; il vient d’être relevé de sa veille, il quitte le malheureux. À la fois tout le monde lui demande : « Comment est-il ? — Il est triste il ne dort pas, il est inquiet, il se méfie de quelque chose ; quand je suis parti, il m’a dit : Adieu ! je vois bien que ça ne peut plus tarder ; nous ne nous reverrons pas, et cependant moi, à la place de l’empereur, je ferais grâce ! » Jusqu’à la dernière seconde, c’est là l’idée poignante qui les tortures : Aurai-je ma grâce ? pourquoi ne l’aurais-je pas ?

Le pâle crépuscule du matin blanchit le ciel ; la foule est hideuse à contempler ; les faces hâves, fatiguées ont un aspect morne et hébété qu’on ne peut voir sans dégoût ; elle s’ouvre pour laisser passer un petit homme vêtu d’une soutane ; on s’écarte avec respect, quelques têtes se découvrent : c’est l’aumônier. Rapidement, ne regardant pas l’échafaud, il se dirige vers la Roquette et pénètre dans le premier guichet. La justice elle-même, je l’ai dit plus haut, le prévient et l’invite à donner les consolations dernières à celui qui va mourir. Autrefois il n’en était pas ainsi. Barbare, violente, anticipant sur la volonté de Dieu, la justice française ne se contentait pas de tuer le corps, elle cherchait à tuer l’âme ; elle oubliait que saint Paul a dit : « Je condamne celui qui a péché et je le livre à Satan pour la mort de sa chair, afin que son esprit soit sauvé au grand jour du Seigneur ! » et elle refusait au condamné l’assistance d’un prêtre qui pût rassurer ce cœur anxieux et lui donner