Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/152

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pement intellectuel du sourd-muet peut être poussé au moins aussi loin que celui des entendant-parlants : c’est une simple affaire de temps et de patience. L’effort même que l’infirme est obligé de faire pour échapper aux conséquences de son infirmité est une preuve péremptoire de l’acuité de son intelligence.

Le mal qui l’atteint est local et ne touche en rien aux facultés du cerveau. Certes cette oblitération complète d’un sens le paralyse en plus d’un cas et le rend impropre à bien des fonctions ; mais le cas est le même pour les boiteux, les aveugles et les manchots ; ceux-là aussi sont rejetés à un plan inférieur, mais c’est par suite d’un accident physique : le sourd-muet est comme eux. Donc les sourds-muets, sauf l’action d’entendre qui leur est interdite, occupent parmi les hommes un rang égal à celui des autres. Il y a parmi eux des êtres plus ou moins intelligents, plus ou moins bien doués par la nature ; il y a des malades, des faibles, des inconsistants ; si quelques-uns sont fermés à un développement normal, la moyenne est ouverte à toute instruction, et plusieurs même ont pu s’élever à un niveau remarquable ; parmi ces derniers on compte des écrivains, des sculpteurs, des peintres, des ouvriers habiles. En un mot, l’infirmité cesse de prédominer, puisque l’intelligence du malade devient, par l’enseignement, semblable à celle des autres membres de la famille humaine, et qu’elle peut s’approprier n’importe quelles notions, excepté celles qui ont trait à l’acoustique.

Ce procès est débattu depuis longtemps, et n’est pas près d’être jugé. Il me semble qu’on ferait bien de transiger et qu’il ne s’agit que de s’entendre. Ces deux opinions adverses concordent plus qu’elles n’en ont l’air : il faut seulement savoir de quel genre de sourds-muets l’on parle. On croit généralement que ces malheureux ont tous été frappés pendant l’obscure période de la