Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/153

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gestation, ou dès l’heure même de la naissance ; c’est une erreur.

Plusieurs d’entre eux ont entendu, ont parlé pendant leurs premières années et sont devenus sourds-muets à la suite de fièvre cérébrale, de fièvre typhoïde, de fièvre nerveuse, de rougeole, de scarlatine, de chutes ; quelques-uns ne sont pas absolument sourds ; d’autres, le cas n’est pas fréquent, — entendent parfaitement, mais sont aphasiques, et ne peuvent émettre une seule parole, comme si toutes leurs cordes vocales avaient été brisées. Ici le mal est accidentel ; il n’a frappé qu’une âme déjà ouverte, et, s’il l’a fermée tout à coup, il n’en a pas chassé certaines notions acquises. À l’époque où le sens de l’ouïe subsistait encore, ces enfants avaient « emmagasiné » un certain nombre d’idées dont l’embryon développé par l’âge, par l’enseignement, leur constitue un état intellectuel qui les fait égaux à la moyenne des entendant-parlants. Nulle spéculation de l’esprit ne leur semble refusée et ils parviennent à briser les liens qui les enchaînent. Ceux-là sont très-intéressants ; les efforts qu’ils accomplissent pour ressaisir, malgré des obstacles sans nombre, la part d’intelligence et de savoir à laquelle ils sentent qu’ils ont droit, sont très-touchants à voir ; je crois, en effet, qu’ils peuvent parcourir toutes les routes où l’intelligence, la réflexion et la vue suffisent pour se guider.

Je n’en dirai pas autant de ceux qui sont enveloppés dans une surdi-mutité congénitale, dont le nerf auditif n’a jamais porté aucun son jusqu’au cerveau. Ils se dénoncent d’eux-mêmes : leur tête mal conformée, leur front et leur menton fuyants, leurs oreilles très-saillantes, les tics nerveux que beaucoup ne peuvent modérer, prouvent que l’animalité domine ; certes elle a été diminuée considérablement par l’enseignement, mais elle n’a pas été détruite, elle subsiste toujours à l’état latent :